L’irrigation est un atout majeur dans la période climatique changeante que nous vivons. Le réchauffement climatique rend les précipitations de plus en plus irrégulières. Les périodes de sécheresse de plus en longues, à des moments clés de la croissance des plantes, se répètent et causent des pertes de rendements considérables en céréales. L’installation d’un puits d’irrigation sur une exploitation agricole apporte donc de la valeur à l’exploitation.
On estime qu'une terre qui devient irrigable prend 3600€/ha en valeur.
En effet, plus la surface irrigable de votre exploitation est importante, plus le potentiel de votre ferme est important. Vous pouvez cultiver sur un assolement plus diversifié, maintenir vos rendements en cas de fortes périodes de chaleur et de sec, et produire plus facilement des cultures à haute valeur ajoutée. D'ailleurs, de plus en plus d’exploitations sont équipées de système d’irrigation aujourd’hui.
La réglementation, elle aussi, évolue. L'accès aux ressources naturelles comme l'eau se durcit. L’acquisition d’un puits d’irrigation devient difficile et pousse certains agriculteurs à investir dès à présent pour assurer l'avenir de leur outil de production.
Néanmoins, l’installation d’un système d'irrigation a un coût non négligeable. En effet, lorsque vous débutez, il vous faut tout installer : vous devez d’abord trouvez un lieu ou il y a des eaux souterraines présentes, y faire un puits plus ou moins profond selon la profondeur de la nappe phréatique puis y installer une pompe puissante. Ensuite, vous devez installer un réseau et une machine qui épandra l’eau dans votre parcelle. Tout cela représente un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour irriguer. Mais, les cultures qui nécessitent ce type d’installation en valent la peine financièrement
Il est évident que lorsque l’on décide d’amener de l’eau à sa plante à l’échelle d’un champ, on a besoin de beaucoup d’eau. On ne peut donc naturellement pas se brancher sur le réseau d’une commune, le coût serai trop important. Il est donc nécessaire de faire un puits. Mais, encore faut-il se trouver sur une nappe phréatique ou avoir une réserve d’eau souterraine suffisante pour subvenir à vos besoins. Lorsque c’est le cas, le forage se fait à l’endroit le plus adéquat et à une certaine profondeur. Plus la nappe est profonde, plus vous devez forer profond.
Une fois votre forage fait, vous avez besoin d’une pompe et d’un moteur pour entraîner celle-ci. Plus votre besoin en eau est important, plus votre puits doit être gros, et naturellement, votre pompe et votre moteur doivent l’être aussi.
Pour approvisionner un enrouleur, vous avez besoin d’un débit d’environ 50m3/h, donc d’un moteur d’environ 100 chevaux.
Plusieurs types de pompe et de moteur existent : les moteurs thermiques et les moteurs ou pompes électriques.
Pour amener l’eau du puits au champ, vous avez besoin d’un réseau de canalisation. Il existe plusieurs formes de réseau : les canalisations aériennes et les canalisations souterraines.
Le diamètre des tuyaux est également important, il déterminera le débit maximal possible dans la canalisation et par conséquent le nombre maximal d’enrouleur que vous pouvez alimenter.
Les tuyaux aériens les plus courants sont en aluminium, mesurent 9m de long, ont un diamètre de 5 pouces (127mm) et peuvent supporter une pression maximale de 14 bars (1,4.106 Pa). Ce type de canalisations est très polyvalentes, elle est facilement démontable. L’inconvénient est que le nombre de branchements entre les tuyaux est très important, la pression diminue donc assez vite dans la canalisation avec la distance de tuyau que vous installez.
Sur terrain plat et avec une distance de 1km de tuyaux,
la perte de pression est d’environ 4bar.
Mais cette valeur est très évolutive, lorsque votre terrain est en pente, pour une même distance, vous pouvez perdre la moitié de la pression à la sortie de la pompe.
L’idéal pour votre réseau est que ce dernier soit enterré. En effet, une fois installé, vous ne le démontez jamais. Les réseaux souterrains ont aussi l'avantage de perdre beaucoup moins de pression avec la distance. De plus, le diamètre du tuyau est souvent supérieur (entre 180 et 200 mm de diamètre) ce qui vous permet d’alimenter plusieurs enrouleurs. Enfin, c’est un gain de temps dans la mise en place de votre chantier d’irrigation chaque année, et le risque de problèmes liés à la canalisation est largement diminué.
Eh oui, pour arroser votre champ il vous faut aussi une machine vous permettant d’épandre l’eau sur votre parcelle. La machine la plus utilisés en grandes cultures est l’enrouleur. Son principe est simple : une bobine située sur un châssis se déroule dans le champ puis s’enroule une fois mis en eau. Différents modèles sont disponibles suivant la longueur de la bobine, de son diamètre, de la méthode de mise en place…
Le dernier élément en contact avec l’eau, qui se situe en bout de la bobine dans le cas d’un enrouleur, va déterminer le mode d’irrigation. Plusieurs équipements existent : l'irrigation par aspersion, avec un canon ou une rampe et l'irrigation par goutte à goutte.
Le canon est le système d'irrigation le plus simple d’utilisation et le moins coûteux. Il s’aide de la pression pour envoyer l’eau dans le champ. La largeur d’épandage dépendra encore une fois de la pression de la canalisation. En général, la largeur d’épandage est de 72 mètres avec une pression au canon d’environ 5-6 bars. Cependant, l’utilisation du canon a des limites. Lorsqu’il y a trop de vent, le jet d’eau ne couvre pas toute la surface voulue et le jet est moins précis. De plus, l’eau envoyée par le canon est très violente quand elle atterrit sur le sol. Il n’est donc pas envisageable d’utiliser cet équipement pour des cultures fragiles.
La rampe est un système d’épandage qui permet d’irriguer de manière plus « douce »,. En effet, l’eau n’est pas envoyée dans le champ mais déposée sur la plante par une pluie fine. Ce type d’équipement représente lui aussi un coût non négligeable, il est aussi plus difficile à mettre en place. C’est pourquoi il est utilisé principalement pour des cultures très fragiles comme les légumes. Il permet aussi d’augmenter la précision de l’épandage, même dans des conditions difficiles comme les jours venteux.
Ici aussi, plusieurs types de rampes existent : les rampes reliées à l’enrouleur et les rampes autonomes. Les utilisations de ces différents types de rampes varient souvent avec la région : dans le nord de la France, on utilise plus souvent les rampes sur enrouleur. Alors que dans le sud, les rampes constituent à elles seules le système d’épandage. Elles sont autonomes et fonctionnent grâce à un pivot (avancement rotatif) ou en ligne (avancement linéaire).
Ce système est complètement différent des systèmes par aspersion puisque, comme son nom l’indique, l’eau est apportée à la plante et au sol goutte par goutte. Ce type de système demande plus de travail à l’installation et au démontage en début et fin de saison que le système par aspersion. En effet, cela consiste à placer des tuyaux troués dans les rangs de la culture et d’y envoyer de l’eau. Les trous étant très fins, l’eau s’échappe mais goutte par goutte.
L’avantage de ce type d’installation est qu’une fois en place, aucune manipulation supplémentaire n’est nécessaire pour l’utilisation (sauf maintenance et réparation d’urgence bien sûr). On pourrait penser que ce système est plus efficient qu’un système par aspersion mais ce n’est pas nécessairement le cas. En effet, pour un même de niveau de rendement, la différence de quantité d’eau utilisée entre un système par aspersion et le goutte à goutte n’est pas significative.
Le coût de tout le matériel nécessaire peut être assez important suivant vos besoins. Des abaques sont disponibles pour évaluer ces coûts et vous donnez un ordre d’idée.
La station d’irrigation est une des dépenses les plus importantes, mais une fois achetée, vous n’avez pas à la remplacer. Et lorsque vous choisissez un moteur/pompe électrique, la maintenance est presque inexistante.
La tableau ci-dessous (source Chambre Agriculture des Hauts de France) recense les coûts d'installation pour un puits équipé d’une pompe électrique capable d’alimenter deux enrouleurs avec un forage à 50 m de profondeur.
Source: chambres agriculture Hauts de France
Enfin, une fois votre puits opérationnel, vous avez besoin de tuyaux pour amener l’eau à votre champ et d’un système d’épandage. Le coût de canalisation aérienne mobile en 5 pouces de diamètre (débit de 60m3/h) est d’environ 13 000€ pour 1Km de canalisation (soit 13€/m). Le prix d’un enrouleur en revanche est aussi très variable en fonction du choix de la machine et des options.
Prenons l’exemple d’un enrouleur de 520 m de longueur avec un tuyaux de diamètre de 120 mm et un débit de 55 m3/h :
Source: chambres agriculture Hauts de France
900 heures d'irrigation
et une moyenne de précipitations de 30 mm / passage.
Le prix de revient moyen de l'énergie électrique est très variable. Il comprend le coût de l’électricité et de la location du compteur. Ici on retient pour l’ensemble une valeur de 0,088 €/m3. Néanmoins, lorsque l’électricité n’est pas disponible au pied du puits, il vous faudra installer une ligne électrique jusqu’au puits à vos frais.
De même, si la ligne électrique publique sur laquelle vous voulez vous servir n’est pas adaptée pour une station d’irrigation comme la vôtre, il sera indispensable de faire installer un transformateur aux normes à vos frais, par une société agréée.
Les réglementations concernant l’irrigation se trouvent principalement autour du forage et de l’homologation de votre puits. En effet, il est interdit de forer sans autorisations et/ou déclaration. Deux organismes sont concernés pour les déclarations et les autorisations de prélèvements de l’eau : la DDT (direction départementale des territoires) et la police de l’eau.
Tout projet de forage nécessite le dépôt d’un dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau (article R.214-1 du code de l’environnement - rubrique 1.1.1.0). Les prélèvements associés sont soumis à la loi sur l’eau selon les cas :
Lorsque vous voulez forer un puits d'irrigation agricole, vous devez déposer un dossier auprès de la DDT avec les informations suivantes :
Il convient donc de contacter un hydrogéologue pour réaliser cette étude pour vérifier l’incidence du prélèvement sur la ressource en eau et la qualité des eaux.
La réponse est oui ! Mais le forage ne peut pas être effectué n’importe où. Son impact sur les activités voisines doit être minimal voire inexistant. C’est pourquoi des distances minimales sont à respecter entre votre puits et certaines infrastructures ou certains lieux précis.
De plus, le forage doit être réalisé selon les règles de l’art, conformément à l’arrêté de prescriptions générales applicable aux sondage, forage et création de puits du 11 septembre 2003 au titre de la loi sur l’eau, de la norme dédiée NF X10-999 et du guide d’application de cet arrêté établi par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).
Afin de gérer au mieux votre irrigation durant la saison, de nombreux outils et options sont disponibles. La plus utilisée et la plus courantes et la gestion à distance de votre station d’irrigation. Aujourd’hui, les boîtiers ordinateurs des moteurs alimentant la pompe sont équipés de carte SIM vous renvoyant les informations de la station d'irrigation :
Ces informations vous sont transmises par SMS. Mais vous pouvez aussi démarrer/arrêter votre pompe à distance, contrôler et modifier les différents réglages en envoyant des codes par SMS. Une application est également disponible pour générer ces codes plus facilement.
Application gestion SMS station irrigation
Il est également possible d’obtenir ce type de système directement sur l’enrouleur. Cela vous permet de connaître l’avancée de votre enrouleur sur son cycle, de pouvoir l’arrêter et contrôler certains réglages à distance. C’est une option qui est très récentes.
Le seul point négatif de ces options est qu’il faut payer un abonnement téléphonique pour obtenir une carte SIM fonctionnelle. Néanmoins, l’abonnement le plus basique est largement suffisant : il existe aujourd’hui des abonnements téléphoniques à 2€/mois.
D’autres OAD existent pour vous aider dans vos décisions d'apport en eau. Les sondes connectées et les stations météo sont de plus en plus utilisées par les agriculteurs.
Les sondes tensiométriques et capacitives ont pour objectif d’évaluer la disponibilité en eau du sol. Les sondes tensiométriques, comme leur nom l’indique, mesurent la tension en eau du sol en centibars à l’aide d’un capteur appelé la bougie poreuse.
Cette tension est mesurée à différentes profondeurs du sol et généralement, plusieurs sondes sont installées sur un même site afin de fiabiliser et de préciser les données.
Les sondes capacitives, quant à elles, mesurent la quantité d’eau disponible dans le sol sur plusieurs profondeurs. Il est ainsi possible de connaître le stock d’eau (en mm) sur la profondeur de sol explorée par la sonde.
Les stations météo connectées sont plus répandues encore que les sondes. Elles sont équipées de différents capteurs météo selon les modèles: thermomètre de l'air ou du sol, pluviomètres, anémomètre, etc. Ces stations connectées permettent à l'agriculteur de consulter les conditions météos de sa parcelle en temps réel sur une application web ou smartphone. C’est un moyen efficace de connaître, par exemple, la quantité d’eau que les dernières précipitations ont apportée à votre parcelle, ou même de connaître la quantité totale d’eau dont votre parcelle a bénéficiée durant toute la saison.
L’anémomètre peut également vous aider à connaître les conditions de vent et adapter votre tour d'eau en fonction, si votre matériel y est sensible.
Depuis peu, certaines sociétés proposent également de détecter des problèmes d'irrigation sur vos parcelles via l'imagerie satellite. Il s'agit de repérer une baisse de la végétation liée à un déficit hydrique ou un excès d'eau lié à une fuite.
Pour en savoir plus…
Découvrir un descriptif technico-économique sur les sondes tensiométriques et capacitives de la chambres d’agriculture du Tarn
Rémi de Spotifarm 🛰️