Tour de plaine

Faut-il continuer de produire des betteraves en France ?

La filière française de la betterave sucrière traverse une période difficile depuis l’arrêt des quotas en 2017.  Fermeture de plusieurs sucreries en France, arrêt des néonicotinoïdes, cours du sucre soumis à la pression des marchés mondiaux, sécheresse qui impacte la production… De plus en plus de planteurs français se posent des questions quant à la survie de la filière française betteravière et envisage d'arrêter la production de sucre.

PZ-0620-tas de betteraves Stockage betteraves sucrières

Etat des lieux de la filière betterave sucrière aujourd’hui 

A ce jour, la filière traverse une passe difficile. La fermeture de plusieurs usines comme celles de Cagny et de Eppeville chez Saint-Louis Sucre (filiale du groupe Südzucker) oblige les producteurs à réduire leur surface de betterave sucrière. De plus, d’autres problèmes viennent se mêler comme l’arrêt du gaucho et des autres néonicotinoîdes (NNI) ou plus anciens, l’arrêt des quotas betteraviers qui ont fait chuter le cours du sucre. Cette chute a entraîné une baisse importante du cours de la betterave sucrière, qui tourne actuellement autour des 26€/tonne.

La confiance des producteurs de betteraves
dans la filière sucrière se dégrade.

Un des problèmes faisant le plus de bruit dans les campagnes ce printemps 2020 est l’arrêt des NNI qui entraîne une surpopulation de puceron, vecteurs de jaunisse par leurs piqûres. Ces attaques de pucerons entraînent une diminution de la vigueur des betteraves, et des parcelles très hétérogènes en terme de population. Les betteraves sont petites et donc peu couvrantes, entraînant une importante prolifération des mauvaises herbes au sein des parcelles. Les herbicides efficaces se faisant rares, les parcelles se salissent et le phénomène risque d’être irrémédiable. La pression des chénopodes, des chardons et autres adventices devient plus importante de jours en jours, ce qui inquiète les producteurs de sucre.  

De plus, la sécheresse que nous vivons actuellement n’améliore pas les chances de survie de la betterave dans les assolements de nos exploitants. Elle empêche le développement de nos betteraves, déjà en difficulté par la présence de maladies.

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Conséquence de l'arrêt des néonicotinoides les pucerons transmettent
la jaunisse à la betterave  (source: Ephytia.inra.fr)

Cette année, grâce aux images satellites et à notre indice de végétation, nous avons pu observer de nombreuses parcelles agricoles où les conditions ont particulièrement été difficiles pour les betteraves.

Vérifiez l'état de mes betteraves

Le changement climatique, les nouvelles directives agro-écologiques, la pression fongiques, la prolifération des adventices ainsi que les décisions politiques ne rassurent aucun acteur de la filière. Les producteurs, qui sont en première ligne pour lutter contre ces nouvelles problématiques, se posent donc la question de l’intérêt de la betterave dans leur rotation.

b73d3eab5ee16257a60d88f399278dcb-1569825175 Les betteraves ne se sont pas développées par manque d'eau - © Nicolas Rondelez

 

 

Existe-t-il des alternatives pour remplacer la betterave ?

La question est très difficile et il n’y pas vraiment de bonne réponse ni de réponse miracle. De nombreuses possibilités sont envisageables : tout dépend du contexte de votre exploitation et de votre état d’esprit. Il faut donc se poser les bonnes questions et surtout les bonnes réponses du voisin seront peut-être les mauvaises chez vous…

Les questions à se poser (listes non exhaustives) : 

  • Combien de cultures sont dans ma rotation ?
Tous les assolements ne comptent pas le même nombre de cultures. Attention, pour les assolements les plus simples comme par exemple : blé-betterave-colza, à ne pas trop simplifier la rotation en remplaçant la betterave par plus de blé et plus de colza. Ce genre de système n’est pas viable à moyen ou long terme. Vous risqueriez d’épuiser vos terres, de les salir, les rendements seraient continuellement en baisse et les coûts de production en hausse. Il est donc nécessaire de maintenir une diversité de cultures dans son assolement avec une alternance régulière de cultures de printemps et d’hiver par exemple.

Le lin, le maïs grain, le lupin ou bien encore la luzerne déshydratée sont des cultures qui peuvent être des alternatives à la betteraves car elles sont intéressantes d'un point de vue agronomique et économique.

  • Puis-je simplement augmenter la surface de mes autres cultures ? 

Oui, cette solution peut être envisageable dans le cas ou votre assolement est déjà bien diversifié (minimum de 4 cultures). Pour ce faire, il faut voir les choses au niveau agronomique. L'objectif est de ne pas diminuer trop intensément le délai de retour des cultures sur vos parcelles.

Attention aussi aux limites atteintes sur vos autres cultures : augmenter la surface de certaines cultures peut demander des ressources plus importantes en matériel et stockage. Cela peut ainsi contraindre à faire beaucoup d'investissement et augmenter sa charge de travail. En diminuant votre assolement et en augmentant les surfaces de vos autres cultures, vous risquez d'augmenter la charge de travail pendant certaines périodes de l'année.

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  • Ai-je l’irrigation ? Quelle surface est irrigable ?

Si vous avez déjà mis en place l’irrigation sur votre exploitation, peut-être pouvez-vous vous tourner vers la production de légumes de plein champ ou de pommes de terre si ce n’est pas déjà fait. Dans le cas contraire, est-il envisageable pour vous d’investir dans ce type d’installation ? Il faut savoir que l'investissement concernant l'installation de l'irrigation est très important, il est donc nécessaire de pouvoir le rentabiliser avec une culture à haut potentiel comme le haricot, la pomme de terre etc.

  • Connaître les types de sols de son exploitation 

La betterave a l'avantage de se cultiver sur tous types de sols (craie, limon, argile). Mais ce n'est pas le cas de toutes les cultures. Par exemple, il sera difficile de produire des pommes de terre ou des légumes dans des terres trop argileuses ... Il ne faut donc pas se lancer trop vite: certaines de vos parcelles permettent peut-être de produire des cultures exigeantes, mais est-ce la cas du reste de votre exploitation? L'enjeu est aussi de réussir à tenir le délai de retour des cultures sur une même parcelle.

  • Quelle est la capacité d'investissement de mon exploitation ? 

Nous y voila, la question économique, le nerf de la guerre ! Tout projet doit être étudié dans les moindres détails afin de limiter les risques. Si possible, faites-vous accompagner par votre conseiller de gestion ou votre banquier. Les débouchés de vos nouvelles cultures doivent être fiables , tout comme votre entourage professionnel, si vous ne voulez pas avoir de déception.
Attention, certaines cultures demande un investissement très fort tandis que pour d'autres cultures, l'investissement est plus raisonnable. Pensez à la location de matériel ou à la prestation, ce peut-être plus intéressant économiquement et en terme de temps.

  • Vers quel type d’agriculture se tourner ?

Les marges et les rendements diminuent depuis quelques années. Les prix ne sont pas toujours à la hauteur pour compenser ces pertes de rendement. La pression des maladies et les résistances d'adventices sont toujours plus fortes avec des produits phytos efficaces et bon marché qui disparaissent petit à petit en raison de nouvelles réglementations agricoles. Peut-être est-ce le moment de changer de cap ?
L'agriculture biologique, l'agriculture de conservation ou encore la transformation et la valorisation des circuits courts sont des pistes à explorer. Mais attention ! Encore une fois, ces aménagements nécessitent souvent de gros investissements et un changement profond de la manière de cultiver...

Après avoir répondu à toutes ces questions, vous devriez avoir une idée de ce que vous pouvez envisager ou non. Malgré tout, ce changement risque de ne pas être facile pour tout le monde. Le sondage ci-dessous, réalisé par Terre-Net l'année dernière, montre les hésitations des producteurs de betteraves sur la prochaine campagne.

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Pour en savoir plus...

Rémi de Spotifarm 🛰️

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